La harcèlement de la rue à la scène

24 mai 2019 ● Presse

Dans le prolongement du hashtag Metoo, Fanny Dufossé, 27 ans, a écrit et interprète une pièce de théâtre dans laquelle elle dénonce toutes sortes de comportements dont les femmes sont victimes au quotidien.

Rencontre. 

Sa pièce s’adresse à tous ceux qui l’ont un jour « reluqué, insulté, rabaissé, humilié, harcelé, sifflé, giflé, déshabillé du regard, traité de salope ou de sale pute ». Fanny Dufossé raconte avoir « grandi à partir de 12 ou 13 ans, avec le harcèlement et les comportements inappropriés ». «Comme toutes les filles ». Ni plus, ni moins. 

« Il y a 10 ans, quand on parlait de ça, on avait du mal à nous croire ». 

Au collège ou au lycée. Mais aussi en entreprise. Et un peu partout dans l’espace public. À Lille (Nord) d’abord. Puis à Plessé. Et aujourd’hui à Nantes. 

« C’est vrai qu’on est moins exposées à la campagne qu’en milieu urbain, mais il ne faut pas croire que ça empêche d’y subir des réflexions déplacées ou des injonctions sur la féminité ». C’est tout naturellement que la jeune femme de 27 ans a choisi ce thème comme fil rouge de sa première oeuvre théâtrale, intitulée « Wake up! » et jouée ce soir à 19h30, à la salle Saint-Pierre de Saffré. L’occasion de livrer son vécu et de susciter le dialogue. 

Car pour elle, pas de doute : la libération de la parole est une bénédiction. « Il y a 10 ans, quand on parlait de ça, on avait du mal à nous croire. On était toujours obligées de se justifier. Avec le hashtag Metoo, les regards ont évolués. C’est un premier pas indispensable ». 

Le harcèlement, d’après elle, comment avec un « regard. Trop pressant, vicieux ». « Ce sont aussi des interpellations à tout bout de champ, pour tout et n’importe quoi; Quand on a dit non une fois, c’est non. Poser la question deux fois, c’est être insistant. » À l’autre extrême, la jeune femme assure que la colère cède parfois à la peur. « Si je rentre seule après une soirée, je veille à retirer mes bijoux, à enlever mon rouge à lèvre, tout ce qui est un peu bling bling, pour passer un peu plus inaperçue dans la rue. Et je marche avec mes clés calées entre les doigts, au cas où… ». Pas question néanmoins de capituler aux diktats sexistes, malgré un pesant sentiment de culpabilité. « Il y a une frontière entre le droit de séduction et le harcèlement, martèle l’auteur. Je suis une personne libre. Je m’habille comme je veux ! ». Au risque de subir ce genre de propos « insupportable » sur son lieu de travail : « Ah ben t’as mis une petite jupe aujourd’hui ! Qu’est-ce qui se passe ? »

Pour reprendre confiance

« Il n’y a pas de profil-type du harceleur, insiste Fanny Dufossé. Ce n’est ni une question de classe sociale, ni une question d’âge. Et c’est parfois la somme des petites phrases entendues dans une journée qui provoque l’exaspération. » Elle cite ce professeur de sport qui fait remarquer à une collégienne de 12 ans, en short, qu’elle aurait « quand même pu se raser les jambes ». 

« On vit avec l’impression qu’on nous scrute depuis toutes petites et que les hommes ont un droit de regard sur nos comportements. Je pense que ça participe à construire cette attente des harceleurs envers les femmes. »

L’an dernier, la jeune femme, passée par le conservatoire d’art dramatique, a créé une micro-entreprise. Elle organise des ateliers-théâtre autour de l’improvisation. « J’accompagne différents publics à la reprise de la confiance en soi, notamment des femmes, explique Fanny Dufossé. Je ne suis pas thérapeute mais le théâtre permet d’exprimer des émotions qu’on ne peut pas toujours libérer dans la vraie vie. C’est un moyen de combattre le mal-être au travail. »

Jérôme Jolivret